5 avr. 2014

Continue! Je vais t'envoyer au village!

Voyage au bled
Source: How I love Gabon

Hier à l'arrêt de bus, je me suis prise au jeu d'écouter la conversation de 2 hommes Africains (j'ai bien perçu l'accent Camerounais), un jeune et un homme plus âgé (que nous allons appeler Le Papa). Les 2 hommes discutaient de l'éducation des enfants/adolescents avec la fameuse assertion que l'éducation à l'ancienne est la meilleure.

Le Papa était interloqué de voir des jeunes de 12-13 ans flâner dans la rue à 20 heures.

Le Papa: "Hum! c'est-à-dire que je trime toute la journée au travail et quand je sors, je trouve Lindsey en route à pareille heure? je te la fesse bien! Elle cherche quoi dehors tard dans la nuit ?!" 
 (NDLR il faut savoir que pour nos parents, 20 heures c'est déjà très "tard dans la nuit").

Le jeune prônait l'éducation sans punition (il faut discuter avec son enfant et tout ira bien) et le plus âgé soutenait qu'il n'y avait rien de mieux qu"une bonne fessée pour remettre les neurones en place. Tout à fait le genre de doctrines prêchées par un grand nombre de nos parents Africains (pas tous, ne faisons pas de généralité, mais par mes parents oui!). Les 2 hommes n'étaient pas d'accord, chacun campé sur son extrême.

Le Papa a ensuite évoqué le concept de, je cite,  "l'affectation correctionnelle".
C'est en tendant bien mon oreille (quoi? ils n'avaient qu'à ne pas parler si fort) que j'ai compris de quoi il s'agissait. L'affectation correctionnelle, c'est l'épée de Damoclès qui pend au-dessus de la tête d'un enfant récalcitrant. Il sait que s'il ne fait pas gaffe à ses fesses, il va se faire expédié au village pendant quelques mois pour y apprendre la vie à la dure. Il faut dire qu'aller au village est parfois vécu comme une punition pour un enfant: aller puiser de l'eau à X kilomètres, pas d'électricité, pas de télé, pas de  steacks frites, pas de 4G, t'imagine?  Et le proverbe "il faut tout un village pour élever un enfant" se vérifie bien sur place avec les oncles et tantes qui ne sont pas avares de taloches. L'enfant en ressortirait doux comme un agneau. 

J'ai un peu rigolé dans le bus en écoutant les anecdotes que relataient le Papa mais en rentrant chez moi cette discussion m'a fait réfléchir. Pour des enfants nés en France et n'ayant jamais mis les pieds dans le pays d'origine de leurs parents, ce voyage à caractère purgatoire n'ôte-t-il pas tout l'intérêt de découvrir et comprendre la richesse culturelle de leurs racines?
Je n'ai pas de modèles d'éducation à proposer (suis-je d'ailleurs légitime pour en parler alors que je n'ai pas d'enfant?), mais comment leur demander en retour d'aimer un pays qu'on leur a fait rencontrer par punition et dont ils ne garderont que de mauvais souvenirs ? Je ne sais pas, je me pose juste des questions. 


2 commentaires :

  1. Coucou Lydvina, je trouve que c'est une très bonne réflexion !
    Mon expérience avec mon fils, est qu'il n'est pas si facile ( pour moi ) d'exclure complètement la fessée. J'ai beau prendre de bonnes résolutions, consciente que la fessée peut être néfaste, mais quand je me retrouve au pied du mur, que j'ai épuisé toutes les cartes, dans un moment de frayeur je me dis ' au mon dieu, qu'es ce que cet enfant est entrain de devenir' alors là plus d'hésitation. Lol.

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  2. Affectation correctionnelle... HAHAHAHA Il est fou le père là.

    "Pour des enfants nés en France et n'ayant jamais mis les pieds dans le pays d'origine de leurs parents, ce voyage à caractère purgatoire n'ôte-t-il pas tout l'intérêt de découvrir et comprendre la richesse culturelle de leurs racines?"

    Ton questionnement est pertinent. Mais je dirais pour ma part que pour un enfant français, séjourner longuement dans le pays d'origine de ses parents est souvent une punition de toutes façons. Y aller vite fait pour des vacances et s'amuser oui mais si on te disait subitement d'y rester toute l'année, que tu y aies déjà mis pied ou non, que le but affiché soit purgatoire ou pas, ça te saoulerait.
    Moi je ne suis pas née en Afrique et quand mes parents ont décidé de rentrer au bled et que j'ai compris qu'on était parti définitivement, ce n'était pas une punition mais je l'ai vécu comme tel et je l'ai mal accepté pendant des années.
    Pour en revenir à l'affectation correctionnelle, j'ai vu un docu là-dessus à la télé, une ado malienne qu'on a envoyée en vacances au village au Mali et on l'a laissée là-bas pendant des mois, pour je ne sais plus quelle raison. Elle connaissait déjà le village et chance même pour elle, elle parlait parfaitement sa langue maternelle donc elle n'avait pas de difficulté de communication. Elle savait faire les tâches domestiques etc.ça n'en restait pas moins une punition pour elle, même si en l'occurrence elle était plutôt intégrée dans le village et avait déjà eu l'occasion de venir découvrir ses racines auparavant etc. Découvrir la richesse culturelle de ses racines là, ça c'est le point de vue afro-africain mais il ne faut pas qu'on se fasse d'illusions là-dessus quand on compte faire naître et élever des enfants chez les Blancs.

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